On le sait, la façon dont on formule notre question au Yi Jing est essentielle et implique de respecter quelques règles en la matière.
En effet, une question mal définie, avec des buts peu clairs, ou des postulats de base, risque de biaiser le tirage.
Personnellement, pour des questions (très) importantes, cela me prend parfois des jours avant d’arriver à la bonne formulation.
Prendre le temps nécessaire est un excellent moyen de clarifier ses pensées. En laissant décanter les différents éléments de l’équation, on commence déjà à sortir de la purée de pois mentale dans laquelle peuvent nous plonger certains dilemmes de la vie.
Avant même d’effectuer notre tirage, nous avons réalisé une partie du boulot.
C’est souvent une bonne astuce pour parvenir à LA question qui nous donnera accès aux meilleurs conseils du Yi Jing. Entre autres parce que cela permet de préserver notre connexion à nos émotions.
En effet, toute question au Livre des Changements est empreinte d’une émotion, celle que l’on ressent à l’évocation de la situation pour laquelle on demande conseil.
Tout comme les mots qui construisent la question, l’émotion est importante, car porteuse d’informations. Pour obtenir l’hexagramme adéquat, mieux vaut donc soumettre au Yi Jing le package complet : les mots justes et l’émotion qui les accompagne.
Or, au plus notre question est longue, au plus l’émotion se dilue. Et c’est un vrai problème parce que, à chaque lancée de pièces de monnaie (ou division du paquet de baguettes ou tiges d’achillée), il est important de se concentrer sur la question et de ressentir l’émotion qu’elle suscite en nous.
C’est en effet grâce à nos émotions que nous pouvons nous mettre au diapason de notre Moi supérieur (ou notre âme, notre inconscient) et ainsi recevoir du Yi Jing les réponses qui nous conviennent le mieux. Mais si la question est trop longue, inévitablement, l’émotion se perd, tout comme la qualité de notre tirage.
Enfin, à ne pas s’en tenir à la règle du « faire court et simple », on se retrouve très vite à s’éparpiller et à glisser des sous-questions dans sa question initiale, ou à l’assortir de précisions qui, au final, viennent surtout brouiller le message.
Je me rappelle ainsi d’un consultant, en pleine remise à zéro au niveau professionnel et souhaitant trouver un travail davantage porteur de sens.
A sa question de base, « Comment avancer pour me réaliser », il avait ajouté une série de périphrases de mise en contexte, ce qui avait abouti à une question du genre « Comment avancer pour me réaliser, sachant que j’éprouve de la nostalgie par rapport au jeune homme que j’étais avant, que ma femme et moi avons déménagé, qu’elle a dû quitter son emploi qu’elle aimait pour que je puisse me relancer et qu’elle a envie de rapidement avancer dans un projet commun alors que moi j’ai besoin de temps pour savoir où j’en suis. » Vous la sentez, là, la bonne grosse pelote à questions à désemberlificoter d’urgence, sous peine de se retrouver avec un hexagramme totalement énigmatique ?
Dans ce genre de cas, il est urgent de se calmer et de réfléchir non pas à la, mais aux différentes questions qu’on veut poser au Yi Jing. Rien qu’en les analysant au cas par cas, on trouvera sans doute déjà des réponses par soi-même.
Et pour les questions qui resteraient en suspend, pas de soucis : le Livre des Changements ne rechignera pas à donner son avis pour chacune d’entre elles. Sauf bien sûr si l’on se comporte comme le Jeune Fou de l’hexagramme 4, mais cela, c’est une autre histoire.
A lire: Les rouages du Yi Jing, Cyrille J.-D. Javary, Ed. Philippe Picquier, 2019.
Image : Cathal Mac an Bheatha sur Unsplash